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Cinéma de l’unité populaire

Document, Entretien Cinéma de l’unité populaire Entretien publié dans les Cahiers du cinéma N°249, février-mars 1974 Helvio Soto : Quand on parle de l’Unité Populaire, il faut toujours poser la question : « Qu’a fait l’État ? ». Or, l’État a fait très peu de choses. C’est cela que j’essaie d’expliquer ici en France. Mais on prend souvent ça pour une critique violente dirigée contre l’Unité Populaire. Or, il faut bien voir que la lutte des classes s’est déroulée au Chili d’une façon très directe, sans l’intermédiaire de l’État. De même en ce qui concerne la lutte idéologique au sein de l’Unité Populaire, soit entre le Parti Socialiste et le Parti Communiste, soit entre le P.C. et l’extrême-gauche. Allende a eu d’énormes problèmes à surmonter, pas seulement vis-à-vis de l’ennemi, mais aussi à l’intérieur de la gauche. Cette situation s’est retrouvée dans le domaine du cinéma ; là aussi, tout a dépendu du rapport de forces à tel ou tel moment entre les différents partis « rouges ». A un moment, c’est le Parti Socialiste qui contrôle Chile-Films, maison de production appartenant à l’État ; c’est donc le Parti Socialiste qui contrôle le cinéma. Mais il ne s’agit pas d’un pouvoir définitif. C’est-à-dire que ce n’est pas l’État qui définit une politique générale pour les communications, le cinéma, la télévision, etc. Cela ne s’est jamais passé ainsi pendant l’Unité Populaire. Deux ou trois mois après, c’était le Parti Communiste qui prenait le contrôle du cinéma et qui, à partir de ce moment, accordait des facilités à tel ou tel de ses militants… Cahiers. A la faveur de quoi se produisait ce changement d’influence, d’hégémonie sur un appareil comme Chile-Films ? Helvio Soto : La conséquence de cette situation, c’est que personne n’a rien fait parce qu’il n’y eut jamais le temps nécessaire pour mettre en chantier un projet définitif, même un projet de long métrage. Si vous examinez l’histoire de Chile-Films, vous ne trouverez aucun long métrage de l’Unité Populaire ! Vous allez dire : « Comment est-ce possible que Chile-Films, en trois ans d’Unité Populaire, n’ait pas réussi à produire un seul long métrage ? » C’est qu’on a passé ces trois années à discuter de projets qui changeaient selon l’évolution du rapport de force à l’intérieur de Chili-Films. Tantôt on se centrait sur tel projet, puis sur tel autre et finalement, c’est logique, on n’a rien fait. Je ne peux donc que répéter ce que j’avais déjà dit à Marcorelles et qui avait agacé pas mal de gens : ce sont des cinéastes indépendants qui ont fait leurs longs métrages à eux, un peu à côté de l’Unité Populaire, sans direction politique, comme des francs-tireurs. Ils se disaient : « Je suis de gauche et je vais faire quelque chose dans ce sens. » C’est ce qu’ont fait Aldo Francia et Miguel Littin. Francia, lui, est chrétien, il s’est dit : « Je vais aider l’Union Populaire en faisant un film pour un public que je connais bien, le public catholique du Chili, et en disant à ce public qu’il faut se rallier à l’Unité Populaire. » Si vous demandez à Francia qui lui a demandé de faire ce film-là, quelle directive politique il a suivie, il vous dira : « Personne. » C’est la même chose pour Littin quand il a fait La Terre promise qui a remporté le Prix Sadoul. Il s’est dit : « Je connais bien le monde des paysans et je vais faire un film sur les premiers syndicats paysans au Chili, en mêlant des images du présent avec des images du passé, des années 30, de la première révolution socialiste du Chili, révolution qui dura trente jours. » Mais si vous demandez à Littin pourquoi il a fait cela, quel rapport il y a entre son film et la direction politique de l’Unité Populaire, il vous dira : « Aucun. » Tous ces films ont été faits par des indépendants, sauf Patrice Guzman qui a fait La Première Année (première partie de La bataille du Chili), le seul d’entre nous à avoir travaillé à Chile-Films, avec la volonté d’être, en tant que cinéaste, utile aux différents partis de gauche, ce qui impliquait de sa part pas mal de souplesse tactique. Il a pris une caméra et il a fait La Première Année. C’est presque un reportage, un documentaire. Et s’il est vrai qu’il y a eu pas mal de documentaires tournés pendant l’Unité Populaire, il n’y a eu, je le répète, aucun long métrage en dehors de ces films isolés. Il en va de même pour la télévision. C’est un domaine que je connais bien parce que j’y ai travaillé deux ans et demi avec Olivares, le patron de la télé, qui est un ami à moi et qui, lui, y a travaillé trois ans. On n’arrêtait pas de dire : il faut une politique claire pour la télévision, autrement on ne pourra pas travailler. J’ai quitté le Chili en mars 1973 sans avoir jamais eu sous les yeux un seul papier, même rédigé en chinois, où j’aurais pu lire : Vous, fonctionnaires de l’État qui êtes chargés de la télévision, vous devez suivre telle ou telle politique, a ne s’est jamais produit et je pense que mon ami Olivares a attendu en vain ce papier jusqu’à la fin. De notre côté, nous avons essayé de savoir ce que les militants souhaitaient voir à la télévision. Mais quand on demandait à un camarade de l’extrême-gauche : « Qu’est-ce que tu penses de la télévision ? » on en arrivait tout de suite à la conclusion que la télévision chilienne devait être ce qu’aurait été la télévision en Russie en 1923, c’est-à-dire une barricade. Moi, j’étais assez d ’accord avec cette idée, mais malheureusement ce n’était pas celle du grand patron qui s’appelait Salvador Allende. Je disais à ces camarades d’extrême-gauche : « D’accord, mais je suis fonctionnaire de l’État, la télévision ne m’appartient pas, et à vous non plus. » Quand on posait

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Parlez-moi de colonialisme !

Analyse Parlez-moi de colonialisme ! Un témoignage de l’expérience du cinéma — et, par extension, de la création en général — du Paraguay. Par Par Federico Adorno 12 décembre 2022 Texte de l’image. Il est clair que c’est moi qui n’ai aucun talent, et en plus j’écris par dépit et amertume, diront-ils. Aujourd’hui, je ne me soucie plus des commentaires et j’ai atteint une paix intérieure où je ne suis pas, en bonne victime, celui qui est à blâmer pour tout. Je parle à partir de la lassitude et des factures qui me hantent pour avoir contracté des prêts afin de commencer un film qui a été maintenu en vie comme projet pendant plus de 10 ans et qui aujourd’hui est prêt, attendant dans les limbes des réalisateurs ratés et sans talent. J’écris ces lignes depuis ma chambre alors que je télécharge le DCP pour un fonds suisse qui demande déjà le matériel et, surtout, qui demande à quels festivals internationaux nous avons déjà participé. Le silence s’empare de tout tandis que nous réfléchissons à des façons de répondre, évidemment en anglais, et que nous cherchons désespérément dans excel les dates limites des festivals de classe A et il n’y a plus rien. Une année civile à attendre, pas des semaines mais des mois, pour s’entendre dire que vous n’avez pas été sélectionné, qu’il y a des milliers de films et qu’ils sont tous bons, qu’ils espèrent avoir de vos nouvelles à l’avenir. Quel avenir, si je n’obtiens plus de financement, crétin ! C’est un fait, ce n’est pas écrit, mais en tant que bon enfant dévoué, j’ai assisté pendant des années à toutes les conférences et à tous les ateliers sur le financement européen. Quelques-uns, très peu, d’entre nous les gagnent, les autres vont au casting stable et dans tous ces ateliers, parfois donnés par des personnes puissantes qui gèrent les fonds, ils vous disent que ce qui compte, ce sont les contacts, les relations et votre succès dans les festivals internationaux. J’ai voyagé en Europe (merci, papa et maman) et j’ai gagné des prix dans des festivals ultra prestigieux pour la crème de la crème du cinéma d’art et d’essai et on vous dit que ça vous positionne et que vous aurez la vie un peu plus facile. Rien de tout cela n’est arrivé. Il est surprenant de constater que j’ai insisté pendant dix ans avec mon film Boreal, mais cela a passé si vite et j’ai fini par le faire, mais il ne trouve pas de place pour être projeté et je n’ai pas honte de le dire. Le rêve d’une distribution en Europe est déjà passé, et tu a passé par payer les 100 euros sur les comptes de ces festivals a ne pas faire partie du canon des cinéastes encensés dans les sphères internationales. En fait, nous avons déjà dépensé plus de 1.000 euros en frais d’inscription de festivals et beaucoup d’entre eux ne regardent même pas vos films. J’ai les statistiques de vimeo.com où vous pouvez voir la durée de temps pendant lequel un programmateur regarde votre film et si vous avez la chance qu’un de ses assistants en voie plus de 50 %, c’est un miracle. Ou pensez-vous que Vanja, Alberto, Carlo et Thierry voient vos films d’un pays aussi perdu que le nôtre ? Par exemple, j’ai payé 50 euros pour le festival de Rotterdam et le lien a, jusqu’à aujourd’hui, alors qu’on m’annonçait que je n’étais pas sélectionné, zéro vue. Je ne peux pas savoir s’ils ont vu Boréal à partir d’autres liens, mais les programmateurs mentent quand ils disent avoir vu votre film, ils ne le font pas. Et s’ils le font, il arrive qu’ils n’ait même pas 10 minutes de lecture affichés. Comment peuvent-ils déterminer la valeur d’un film à programmer avec 10 minutes de lecture ? Nous sommes tellement habitués à ce que les critiques et les programmateurs disent qu’en quelques minutes ils peuvent dire si votre film est valable, et ça ne devrait pas être comme ça. Ils peuvent dire que ton film n’est pas bon, qu’il a des milliers de défauts, qu’il ne mérite pas d’être programmé. Et au bout du compte, personne ne m’oblige à vouloir organiser des projections en Europe, mais on vous canonise et vous voulez être pris en compte et voir vos efforts reconnus. Aujourd’hui, les festivals ont trouvé une ligne lucrative sur le dos des cinéastes qui n’ont ni chars ni agents commerciaux derrière eux (je ne parle que du secteur dans lequel j’ai évolué, le secteur artistique, le secteur européen, en laissant de côté les vrais chars américains), ça fait mal. C’est le seau d’eau froide parmi tant d’autres que j’ai déjà eues et ça suffit. Le processus m’a conduit à rejoindre les miens, là où je me sens plus à l’aise. J’ai eu la chance d’être dans ces non-lieux que sont les festivals de films cultes où l’on apprend à se taire. Il y a dix ans, dans un atelier de développement de projets à Entre Ríos, très top à l’époque, j’ai été tutoré par une Italienne déjà âgée mais très lucide, d’ailleurs, et elle m’avertissait déjà que le cinéma est une mafia. Mes yeux se sont ouverts, parce que, évidemment, je voulais aussi faire partie de cette mafia, mais on m’a vite fait comprendre que je ne convenais pas à cause de mon caractère, très timide, peu loquace devant d’autres collègues sud-américains, plutôt argentins, qui prenaient l’avion, s’envoyaient en l’air et obtenaient leur coproduction. Et j’étais là, tout gras, pensant manger un kebab et sans aucune chance d’avoir une copro car, à vrai dire, ni moi, ni le Paraguay, dont ils n’ont pas la moindre idée, ne les intéressaient. “La estancia” un court-métrage de Federico Adorno, 2014 Mais j’ai continué mon projet, qui s’est d’abord appelé Insular (insulaire, mais j’ai appris à le détester parce qu’avec le temps, je trouvais stupide l’idée d’une île entourée de terre), puis El polvo de la tierra (la poussière de la

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Femmes latino-américaines réalisatrices

Document Femmes latino-américaines réalisatrices Bien qu’il soit très difficile d’identifier les différentes générations de femmes cinéastes en Amérique latine, et les traits esthético-sociaux qui les unissent, il est possible de se faire une idée des différences et des égalités présentes dans le temps. S’il est possible d’apprécier des situations historiques, économiques ou sociales communes à la même période, ainsi que l’émergence de groupes unis par la volonté de transformer la situation générale des femmes dans le monde du cinéma, on peut également trouver dans les œuvres et les interviews des réalisatrices des critères et des positions différents quant à leurs motivations pour le cinéma, leurs intérêts pour les femmes dans le cinéma, le féminisme, etc. Par Lisandra Leyva Ramírez 8 décembre 2022 Les femmes qui ont commencé à réaliser dans les industries cinématographiques latino-américaines les plus importantes ou les plus “développées” de la période du cinéma muet (Mexique, Argentine, Brésil) partageaient des circonstances communes telles que : elles avaient déjà travaillé comme actrices, script-girls, ou venaient d’une famille liée à ce domaine, elles étaient épouses, sœurs, etc. d’hommes qui étaient déjà dans l’industrie cinématographique. Leurs connaissances cinématographiques sont le fruit d’années de formation auprès de réalisateurs masculins et l’héritage qu’elles ont laissé est généralement fugace et bref, parfois un seul film, comme dans le cas de Rina Massardi en Uruguay avec son film ¿Vocación ? (1938). À cette première période appartiennent : l’actrice argentine devenue réalisatrice Emilia Saleny (La niña del bosque, 1917, El pañuelo de Clarita, 1919) ; au Venezuela, l’actrice et plus tard réalisatrice Prudencia Griffel (La caridad entra por casa, 1920), au Brésil : Carmen Santos (Inconfidência Mineira, 1948) et au Mexique : Adela Sequeyro, qui a travaillé comme productrice, scénariste, co-adaptatrice et actrice principale (La mujer de nadie, 1937, Diablillos de arrabal, 1938). Quant au principal genre cinématographique dans lequel s’inscrivent ses films, le plus fréquent est le mélodrame. Il n’y avait pas la variété de nuances que l’on trouve aujourd’hui dans les drames cinématographiques. Adela Sequeyro Dans la mesure où les facteurs politiques et autres facteurs sociaux ont apporté des droits ou des réalisations dans la vie des femmes, et où les mouvements de soutien au statut défavorisé des femmes ont eu des répercussions au niveau international ou latino-américain, ces changements ont été plus ou moins évidents dans la représentation des femmes au cinéma. La chercheuse Silvia Oroz, en analysant les années 1930 et 1940 comme l’âge d’or du cinéma latino-américain, souligne le caractère nettement nationaliste des productions de cette période, généralement représentatives du mélodrame, de la comédie et de thèmes tels que l’amour, la passion, l’inceste et les femmes. Se référant spécifiquement à la représentation du genre féminin en général, S. Oroz identifie les prototypes essentiels dans lesquels les femmes latino-américaines ont été dépeintes et la manifestation de leurs sexualités par rapport à ce que ces modèles signifiaient socialement : La mère, la sœur, la petite amie, la femme, la “mauvaise” et/ou la prostituée et la “bien-aimée” sont les six prototypes de base. Parmi celles-ci, seule la “mauvaise” et/ou la prostituée a des rapports sexuels, tandis que la “bien-aimée” représente l’idéalisation de la femme chaste… Les quatre autres prototypes – mère, sœur, petite amie et épouse – sont dramatiquement passifs, dans la mesure où leur fonction est d’attendre. Au cours des années 1970, l’essor et l’effervescence atteints par la théorie féministe du cinéma dans les pays européens et aux États-Unis d’Amérique trouveront un écho dans une partie de l’Amérique latine ; cela s’est consolidé dans de multiples événements tels que la création de festivals de films de femmes (par exemple, le Festival international du film de femmes de New York) et dans la fondation de groupes et de magazines spécialisés (par exemple, le Women’s Group de Londres, le Women and Film Magazine). À partir des années 1970, le Mexique a connu deux organisations très présentes en raison de l’intérêt et de la préoccupation croissants pour les films réalisés par des femmes. Tous deux sont nés au sein du Centro Universitario de Estudios Cinematográficos (centre universitaire d’études cinématographiques) de l’UNAM. L’un d’eux est le Taller de Cine Octubre (1973), composé de Trinidad Langarica, Lourdes Gómez, Alfonso Graf, Abel Hurtado, Armando Lazo et José Woldenberg, entre autres. Elle léguera les ouvrages Explotados y explotadores, Los albañiles, et Chihuahua, un pueblo en lucha comme matérialisation de ses objectifs. L’autre s’appelait Colectivo Cine Mujer (1975), et son engagement envers le féminisme, avec une politique sociale qui aiderait les femmes à avoir une place plus juste dans la société, a donné naissance aux films Cosas de mujeres (Rosa Martha Fernández, 1978), Rompiendo el silencio (Rosa Martha Fernández, 1979) et Vicios en la cocina (Beatriz Mira, 1978). Au Venezuela, le Grupo Feminista Miércoles a été fondé en 1978 avec, entre autres, Franca Donda, Ambretta Marrossu, Tamara Marrosu, Carmen Luisa Cisneros, Katina Fantini et Cathy Rakowsky comme membres. Leur œuvre la plus connue est Yo, tú, Ismaelina (1981), le court-métrage avec lequel ils ont remporté le Premio Municipal al Cortometraje Nacional. En Colombie, le Grupo Cine Mujer, également fondé en 1978, possède une filmographie relativement importante avec cinq courts métrages en 35 mm, trois moyens métrages en 16 mm (¿Y su mamá qué hace ?, La mirada de Myriam, Momentos de un Domingo), et plusieurs vidéos pour la télévision (Llegaron las Feministas, Ofelia Uribe de Acosta). Parmi ses membres figuraient Clara Mariana Riascos, Eulalia Carrizosa, Sara Bright, Patricia Restrepo, Dora Cecilia Ramírez et Luz Fanny Tobon. C’est grâce à ce groupe que la première rencontre féministe d’Amérique latine et des Caraïbes, qui a eu lieu à Bogota en juillet 1981, a été enregistrée sous forme audiovisuelle. Comme il s’agissait d’une période effervescente en termes de pensée cinématographique féministe et socio-culturelle-politique en Amérique latine, une période où le soi-disant “nouveau cinéma latino-américain” était présent, on pouvait s’attendre à ce que les femmes cinéastes augmentent et deviennent visibles dans la région, mais cela ne s’est pas produit : Le nouveau cinéma latino-américain, un concept complexe, insaisissable et aujourd’hui véritablement remis en question,

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West Side Stéréotypes

Analyse West Side Stéréotypes West Side Story est indéniablement un chef-d’œuvre à voir et à revoir, parce que la comédie musicale conçu pour briller sur la scène de Broadway en 1957 a laissé une grande empreinte culturelle et que le film conçu pour bousculer le genre et triompher à Hollywood en 1961 a été réalisé avec un immense talent couronné avec dix statuettes lors de la 34e cérémonie des Oscars, un record pour le film musical. La plupart des critiques considèrent le film comme la meilleure adaptation d’une comédie musicale jamais réalisée dans l’histoire du cinéma. Par Ronnie Ramirez 5 décembre 2022 Texte de l’image. Adaptation moderne de la tragédie de William Shakespeare, West Side Story raconte une histoire d’amour impossible entre un Roméo & Juliette issus de deux bandes rivales qui se disputent les rues d’un quartier pauvre à New York. Au départ, Arthur Laurents avait conçu la comédie musicale sous la forme d’un affrontement entre catholiques irlandais et juifs situé dans le Lower East Side de Manhattan, mais craignait qu’East Side Story ne devienne ennuyante. C’est en lisant les titres des journaux sur la violence des gangs de jeunes Chicanos en 1955 que Laurents et le compositeur Leonard Bernstein se sont dit que leur concept devrait se déplacer vers les portoricains, une nouvelle communauté migrante qui affluait en masse. Le projet devient West Side et fait référence à la partie ouest de l’Amérique, à New York, où se déroule l’histoire. Bernstein recruta Stephen Sondheim pour écrire le livret qui lui confessa : “Je n’ai jamais été pauvre et je n’ai même jamais connu de portoricain.” Après de la défaite de l’Espagne lors de la guerre hispano-américaine (1895-1898), les résidents de l’île de Porto Rico obtiennent la citoyenneté étasunienne en 1917 grâce à la loi Jones-Shafroth et depuis 1952, l’île bénéficie d’un statut d’État libre et associé aux États-Unis. Les vagues successives d’immigration portoricaine aux États-Unis atteignent leur apogée dans les années cinquante avec plus de cinq millions de portoricains en 2012 alors que l’île compte 3,7 millions d’habitants et une grande communauté concentrée à New York où on les appelle les Nuyorican. Le sacrifice de la Seconde Guerre mondiale et le sentiment général d’abandon des politiques sociales par l’État, l’insécurité et de la criminalité favorisent l’émergence des gangs dans les grandes villes. West Side Story est en quelque sorte la première grande histoire qui dépeint les portoricains et qui montre qui ils sont, comment ils se comportent et à quoi ils ressemblent. C’est aussi l’une des premières fois où ils découvrent leur expérience de migrant à l’écran. Mais dans le film on retrouve aussi le profilage racial dont les latinos aux États Unis souffrent : pauvres, donc des gens sans éducation, enclins à la violence et par conséquent problématiques. L’idée que des gangs portoricains soient en mesure de défier la police territorialement ou de casser la figure à des citoyen blancs a contribué à la conviction que les personnes de couleur étaient un danger dont il fallait mieux se débarrasser. Mais qui, aux États-Unis, se souciait des communautés latino-américaines qui connaissaient des vies infrahumaines dans les quartiers des bas-fonds des grandes villes du pays ? Qui d’ailleurs se souvient des révoltes des Zoot Suit entre juin et aout de 1943 à Los Angeles ? Zoot fait référence aux vêtements portés par une partie de la jeunesse mexico-américaine — y compris le jeune Malcolm X — qui de cette manière affichaient leur mépris pour les rationnements des textiles, un attachement à la vie nocturne et à la culture jazz. S’amuser n’était pas très catholique dans un pays en guerre où l’on se devait de promouvoir le devoir patriotique. D’ailleurs, des tensions existaient déjà à Los Angeles, une région où les communautés latinos et les troupes militaires destinées aux opérations dans le Pacifique sont très présentes. Dans la nuit du 3 juin 1943 à Los Angeles, une bagarre éclate entre des jeunes américano-mexicains et un groupe de soldats qui par la suite se déclarent comme victimes des Chicanos à la police. Le jour suivant, environ 200 soldats répriment à coups de matraques, arrestations et sessions de tortures en dépouillant les Chicanos portant un costume zoot et en brulant leurs vêtements en tas. Pendant dix jours, des centaines de Mexicains, des Afro-Américains, des Philippins-américains et d’autres minorités portant ces vêtements étaient agressés. La violence s’est également abattue sur les femmes et les enfants latino-américains, puis la révolte s’est étendue vers d’autres villes et pris fin au cours de la deuxième semaine de juin 1943. L’appareil médiatique officiel a non seulement justifié les actions des soldats mais également soutenu la répression contre les latinos, citoyens de seconde classe. A partir de là, tout fût permis. Même si West Side Story s’adresse avant tout à un public de culture anglo-saxonne, le film résonne encore pour un public contemporain qui continue à souffrir et à mourir de la pauvreté, du racisme et de la violence policière, car le film soulève des questions autour de l’immigration, le colorisme et l’assimilation culturelle. L’histoire d’amour interdite entre Tony, un jeune étasunien blanc et Maria, une jeune portoricaine, se complique à cause de leur appartenance à des gangs en dispute d’un territoire plus que de leur différence culturelle. Cependant, le film comporte de nombreux choix qui à l’époque n’étaient pas considérées comme problématiques, notamment le “brownface” et la représentation stéréotypée de la communauté portoricaine. Les Jets, un gang xénophobe blanc et les policiers du quartier profèrent des répliques (à l’origine antisémites) considérées par les portoricains comme dégradantes et blessant la communauté portoricaine : “Porto Rico devrait retourner dans l’océan” ou… “à Porto Rico il n’y a que des ouragans et des femmes enceintes” ou… “les États-Unis sont supérieurs à Porto Rico”… Qu’ils “se noient dans les tamales !”, précisons que les tamales sont un plat issu du Mexique et du Guatemala. Pour renforcer le clivage et les tensions entre eux, Jerome Robbins avait mis en place des stratégies de mise en scène assez particulières, il avait interdit aux acteurs des gangs rivaux

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Aux USA, les Latinos sous-représentés au cinéma et à la télé

Avec l’adaptation cinématographique de la pièce “In the Heights” de Lin-Manuel Miranda, un documentaire sur la célèbre artiste Rita Moreno, un nouveau volet de la franchise “Fast & Furious” et le remake de “West Side Story” par Steven Spielberg, 2021 est une année importante pour la représentation des Latinos à Hollywood.

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Anhell69

Anhell69 est une œuvre intergénérique, résolue dans un nouage productif de codes documentaires et de fiction. Il s’agit d’un redimensionnement/expansion du célèbre court-métrage de Theo Montoya, Son of Sodom, qui faisait partie des sélections officielles du Festival de Cannes et du Festival international du film documentaire d’Amsterdam en 2021

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