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Cinéma de l’unité populaire

Document, Entretien Cinéma de l’unité populaire Entretien publié dans les Cahiers du cinéma N°249, février-mars 1974 Helvio Soto : Quand on parle de l’Unité Populaire, il faut toujours poser la question : « Qu’a fait l’État ? ». Or, l’État a fait très peu de choses. C’est cela que j’essaie d’expliquer ici en France. Mais on prend souvent ça pour une critique violente dirigée contre l’Unité Populaire. Or, il faut bien voir que la lutte des classes s’est déroulée au Chili d’une façon très directe, sans l’intermédiaire de l’État. De même en ce qui concerne la lutte idéologique au sein de l’Unité Populaire, soit entre le Parti Socialiste et le Parti Communiste, soit entre le P.C. et l’extrême-gauche. Allende a eu d’énormes problèmes à surmonter, pas seulement vis-à-vis de l’ennemi, mais aussi à l’intérieur de la gauche. Cette situation s’est retrouvée dans le domaine du cinéma ; là aussi, tout a dépendu du rapport de forces à tel ou tel moment entre les différents partis « rouges ». A un moment, c’est le Parti Socialiste qui contrôle Chile-Films, maison de production appartenant à l’État ; c’est donc le Parti Socialiste qui contrôle le cinéma. Mais il ne s’agit pas d’un pouvoir définitif. C’est-à-dire que ce n’est pas l’État qui définit une politique générale pour les communications, le cinéma, la télévision, etc. Cela ne s’est jamais passé ainsi pendant l’Unité Populaire. Deux ou trois mois après, c’était le Parti Communiste qui prenait le contrôle du cinéma et qui, à partir de ce moment, accordait des facilités à tel ou tel de ses militants… Cahiers. A la faveur de quoi se produisait ce changement d’influence, d’hégémonie sur un appareil comme Chile-Films ? Helvio Soto : La conséquence de cette situation, c’est que personne n’a rien fait parce qu’il n’y eut jamais le temps nécessaire pour mettre en chantier un projet définitif, même un projet de long métrage. Si vous examinez l’histoire de Chile-Films, vous ne trouverez aucun long métrage de l’Unité Populaire ! Vous allez dire : « Comment est-ce possible que Chile-Films, en trois ans d’Unité Populaire, n’ait pas réussi à produire un seul long métrage ? » C’est qu’on a passé ces trois années à discuter de projets qui changeaient selon l’évolution du rapport de force à l’intérieur de Chili-Films. Tantôt on se centrait sur tel projet, puis sur tel autre et finalement, c’est logique, on n’a rien fait. Je ne peux donc que répéter ce que j’avais déjà dit à Marcorelles et qui avait agacé pas mal de gens : ce sont des cinéastes indépendants qui ont fait leurs longs métrages à eux, un peu à côté de l’Unité Populaire, sans direction politique, comme des francs-tireurs. Ils se disaient : « Je suis de gauche et je vais faire quelque chose dans ce sens. » C’est ce qu’ont fait Aldo Francia et Miguel Littin. Francia, lui, est chrétien, il s’est dit : « Je vais aider l’Union Populaire en faisant un film pour un public que je connais bien, le public catholique du Chili, et en disant à ce public qu’il faut se rallier à l’Unité Populaire. » Si vous demandez à Francia qui lui a demandé de faire ce film-là, quelle directive politique il a suivie, il vous dira : « Personne. » C’est la même chose pour Littin quand il a fait La Terre promise qui a remporté le Prix Sadoul. Il s’est dit : « Je connais bien le monde des paysans et je vais faire un film sur les premiers syndicats paysans au Chili, en mêlant des images du présent avec des images du passé, des années 30, de la première révolution socialiste du Chili, révolution qui dura trente jours. » Mais si vous demandez à Littin pourquoi il a fait cela, quel rapport il y a entre son film et la direction politique de l’Unité Populaire, il vous dira : « Aucun. » Tous ces films ont été faits par des indépendants, sauf Patrice Guzman qui a fait La Première Année (première partie de La bataille du Chili), le seul d’entre nous à avoir travaillé à Chile-Films, avec la volonté d’être, en tant que cinéaste, utile aux différents partis de gauche, ce qui impliquait de sa part pas mal de souplesse tactique. Il a pris une caméra et il a fait La Première Année. C’est presque un reportage, un documentaire. Et s’il est vrai qu’il y a eu pas mal de documentaires tournés pendant l’Unité Populaire, il n’y a eu, je le répète, aucun long métrage en dehors de ces films isolés. Il en va de même pour la télévision. C’est un domaine que je connais bien parce que j’y ai travaillé deux ans et demi avec Olivares, le patron de la télé, qui est un ami à moi et qui, lui, y a travaillé trois ans. On n’arrêtait pas de dire : il faut une politique claire pour la télévision, autrement on ne pourra pas travailler. J’ai quitté le Chili en mars 1973 sans avoir jamais eu sous les yeux un seul papier, même rédigé en chinois, où j’aurais pu lire : Vous, fonctionnaires de l’État qui êtes chargés de la télévision, vous devez suivre telle ou telle politique, a ne s’est jamais produit et je pense que mon ami Olivares a attendu en vain ce papier jusqu’à la fin. De notre côté, nous avons essayé de savoir ce que les militants souhaitaient voir à la télévision. Mais quand on demandait à un camarade de l’extrême-gauche : « Qu’est-ce que tu penses de la télévision ? » on en arrivait tout de suite à la conclusion que la télévision chilienne devait être ce qu’aurait été la télévision en Russie en 1923, c’est-à-dire une barricade. Moi, j’étais assez d ’accord avec cette idée, mais malheureusement ce n’était pas celle du grand patron qui s’appelait Salvador Allende. Je disais à ces camarades d’extrême-gauche : « D’accord, mais je suis fonctionnaire de l’État, la télévision ne m’appartient pas, et à vous non plus. » Quand on posait

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Femmes latino-américaines réalisatrices

Document Femmes latino-américaines réalisatrices Bien qu’il soit très difficile d’identifier les différentes générations de femmes cinéastes en Amérique latine, et les traits esthético-sociaux qui les unissent, il est possible de se faire une idée des différences et des égalités présentes dans le temps. S’il est possible d’apprécier des situations historiques, économiques ou sociales communes à la même période, ainsi que l’émergence de groupes unis par la volonté de transformer la situation générale des femmes dans le monde du cinéma, on peut également trouver dans les œuvres et les interviews des réalisatrices des critères et des positions différents quant à leurs motivations pour le cinéma, leurs intérêts pour les femmes dans le cinéma, le féminisme, etc. Par Lisandra Leyva Ramírez 8 décembre 2022 Les femmes qui ont commencé à réaliser dans les industries cinématographiques latino-américaines les plus importantes ou les plus “développées” de la période du cinéma muet (Mexique, Argentine, Brésil) partageaient des circonstances communes telles que : elles avaient déjà travaillé comme actrices, script-girls, ou venaient d’une famille liée à ce domaine, elles étaient épouses, sœurs, etc. d’hommes qui étaient déjà dans l’industrie cinématographique. Leurs connaissances cinématographiques sont le fruit d’années de formation auprès de réalisateurs masculins et l’héritage qu’elles ont laissé est généralement fugace et bref, parfois un seul film, comme dans le cas de Rina Massardi en Uruguay avec son film ¿Vocación ? (1938). À cette première période appartiennent : l’actrice argentine devenue réalisatrice Emilia Saleny (La niña del bosque, 1917, El pañuelo de Clarita, 1919) ; au Venezuela, l’actrice et plus tard réalisatrice Prudencia Griffel (La caridad entra por casa, 1920), au Brésil : Carmen Santos (Inconfidência Mineira, 1948) et au Mexique : Adela Sequeyro, qui a travaillé comme productrice, scénariste, co-adaptatrice et actrice principale (La mujer de nadie, 1937, Diablillos de arrabal, 1938). Quant au principal genre cinématographique dans lequel s’inscrivent ses films, le plus fréquent est le mélodrame. Il n’y avait pas la variété de nuances que l’on trouve aujourd’hui dans les drames cinématographiques. Adela Sequeyro Dans la mesure où les facteurs politiques et autres facteurs sociaux ont apporté des droits ou des réalisations dans la vie des femmes, et où les mouvements de soutien au statut défavorisé des femmes ont eu des répercussions au niveau international ou latino-américain, ces changements ont été plus ou moins évidents dans la représentation des femmes au cinéma. La chercheuse Silvia Oroz, en analysant les années 1930 et 1940 comme l’âge d’or du cinéma latino-américain, souligne le caractère nettement nationaliste des productions de cette période, généralement représentatives du mélodrame, de la comédie et de thèmes tels que l’amour, la passion, l’inceste et les femmes. Se référant spécifiquement à la représentation du genre féminin en général, S. Oroz identifie les prototypes essentiels dans lesquels les femmes latino-américaines ont été dépeintes et la manifestation de leurs sexualités par rapport à ce que ces modèles signifiaient socialement : La mère, la sœur, la petite amie, la femme, la “mauvaise” et/ou la prostituée et la “bien-aimée” sont les six prototypes de base. Parmi celles-ci, seule la “mauvaise” et/ou la prostituée a des rapports sexuels, tandis que la “bien-aimée” représente l’idéalisation de la femme chaste… Les quatre autres prototypes – mère, sœur, petite amie et épouse – sont dramatiquement passifs, dans la mesure où leur fonction est d’attendre. Au cours des années 1970, l’essor et l’effervescence atteints par la théorie féministe du cinéma dans les pays européens et aux États-Unis d’Amérique trouveront un écho dans une partie de l’Amérique latine ; cela s’est consolidé dans de multiples événements tels que la création de festivals de films de femmes (par exemple, le Festival international du film de femmes de New York) et dans la fondation de groupes et de magazines spécialisés (par exemple, le Women’s Group de Londres, le Women and Film Magazine). À partir des années 1970, le Mexique a connu deux organisations très présentes en raison de l’intérêt et de la préoccupation croissants pour les films réalisés par des femmes. Tous deux sont nés au sein du Centro Universitario de Estudios Cinematográficos (centre universitaire d’études cinématographiques) de l’UNAM. L’un d’eux est le Taller de Cine Octubre (1973), composé de Trinidad Langarica, Lourdes Gómez, Alfonso Graf, Abel Hurtado, Armando Lazo et José Woldenberg, entre autres. Elle léguera les ouvrages Explotados y explotadores, Los albañiles, et Chihuahua, un pueblo en lucha comme matérialisation de ses objectifs. L’autre s’appelait Colectivo Cine Mujer (1975), et son engagement envers le féminisme, avec une politique sociale qui aiderait les femmes à avoir une place plus juste dans la société, a donné naissance aux films Cosas de mujeres (Rosa Martha Fernández, 1978), Rompiendo el silencio (Rosa Martha Fernández, 1979) et Vicios en la cocina (Beatriz Mira, 1978). Au Venezuela, le Grupo Feminista Miércoles a été fondé en 1978 avec, entre autres, Franca Donda, Ambretta Marrossu, Tamara Marrosu, Carmen Luisa Cisneros, Katina Fantini et Cathy Rakowsky comme membres. Leur œuvre la plus connue est Yo, tú, Ismaelina (1981), le court-métrage avec lequel ils ont remporté le Premio Municipal al Cortometraje Nacional. En Colombie, le Grupo Cine Mujer, également fondé en 1978, possède une filmographie relativement importante avec cinq courts métrages en 35 mm, trois moyens métrages en 16 mm (¿Y su mamá qué hace ?, La mirada de Myriam, Momentos de un Domingo), et plusieurs vidéos pour la télévision (Llegaron las Feministas, Ofelia Uribe de Acosta). Parmi ses membres figuraient Clara Mariana Riascos, Eulalia Carrizosa, Sara Bright, Patricia Restrepo, Dora Cecilia Ramírez et Luz Fanny Tobon. C’est grâce à ce groupe que la première rencontre féministe d’Amérique latine et des Caraïbes, qui a eu lieu à Bogota en juillet 1981, a été enregistrée sous forme audiovisuelle. Comme il s’agissait d’une période effervescente en termes de pensée cinématographique féministe et socio-culturelle-politique en Amérique latine, une période où le soi-disant “nouveau cinéma latino-américain” était présent, on pouvait s’attendre à ce que les femmes cinéastes augmentent et deviennent visibles dans la région, mais cela ne s’est pas produit : Le nouveau cinéma latino-américain, un concept complexe, insaisissable et aujourd’hui véritablement remis en question,

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Aux USA, les Latinos sous-représentés au cinéma et à la télé

Avec l’adaptation cinématographique de la pièce “In the Heights” de Lin-Manuel Miranda, un documentaire sur la célèbre artiste Rita Moreno, un nouveau volet de la franchise “Fast & Furious” et le remake de “West Side Story” par Steven Spielberg, 2021 est une année importante pour la représentation des Latinos à Hollywood.

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Vers un troisième cinéma

La première déclaration du Groupe Cine Liberación, date de 1968 soit en pleine dictature militaire. Son objectif principal était de faire le point sur les actions menées avec le film La Hora de Los Hornos (L’heure des brasiers). Dès l’année suivante apparaissait en Argentine le manifeste Vers un Troisième Cinéma qui coïncidait avec les événements de 1968 en Europe. 

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